412Vertige en Terrain Plat
Exhibition View

Left :
Guillaume Valenti
Grille, 160×130 cm, oil on canvas. 2015

Right :
Johanna Benainous and Elsa Parra
Le Silence du Sucrier. 2016

8162971151042016

Attic Salt
Installation, sound, salt

Vertige en Terrain Plat
Group Show
Brownstone Foundation, Paris

Curated by Mathilde Expose

Special thanks to Elena Sorokina, Thomas Caillères, and Clara Daquin

> soundtrack

FR

Clara Daquin

Scripted Spaces

S’inspirant de la qualité immersive du jeu vidéo, Raphaël Fabre imagine des espaces transmédias dont la fiction se développe sur tous les supports. Dans l’installation Opening (2015) le visiteur est invité à pénétrer dans l’espace par une petite porte. Accueilli par l’artiste, il traverse quatre pièces qui s’enchaînent et se retrouve plongé dans un univers assumant toute son artificialité. Solomon Coster & Associates, la société dont le spectateur visite les locaux, ressemble à une entreprise traditionnelle : logo, prospectus, trailer vidéo et site Internet. Dans le bureau de Solomon Coster le PDG, son portrait animé accroché au mur dresse la stature autoritaire du personnage. L’esthétique développée ici est celle de l’autorité et du pouvoir, basée sur une culture de l’entreprise qui nous est familière. L’artiste recréé le lieu du travail, qui n’est pas son atelier mais un espace qui évoque l’exposition et le travail tertiaire. Tout est fait pour que le spectateur pense que cette fiction ne s’arrête pas, mais continue dans le temps.

Dans Opening, le décor couvre les murs du sol au plafond, créant une caverne dans une caverne, ou un pli dans un pli pour filer la métaphore deleuzienne. L’artificialité dont il est ici question est à la fois ironique et poétique, comme peut l’être une nouvelle de Jorge Luis Borges mais, au contraire de l’auteur de Fictions, elle ne semble ni parodique ni cynique. Elle ne tire de l’idée de la contrefaçon, du double, que sa méthode labyrinthique et paradoxale. Les propositions de Raphaël Fabre feignent d’être autonomes. Or elles sont au service absolu de celui qui les regarde, puisque la fiction n’existe qu’à partir du moment où elle trouve un lecteur. Leur but est de nous convaincre que l’histoire continue, qu’elle existait avant la présence du spectateur et qu’elle existera en dehors de sa visite.

Attic Salt

Pour Vertige en terrain plat, Raphaël Fabre attise la curiosité du spectateur qu’il invite à regarder dans l’interstice de la cimaise. L’installation est conçue comme un Scripted Space, un environnement illusionniste, contrôlé et programmé, qui amène le regardeur à croire qu’il est au centre d’un récit projeté. Chaque objet de l’installation fonctionne comme les pièces d’une énigme. Observer les éléments présents permet de connaître une partie de l’histoire. Cependant, chaque fois que le visiteur tente d’entrer en contact avec l’œuvre, celle-ci le rejette. Le spectateur devient joueur, l’installation se joue de lui, la fiction est pleinement active. L’artiste évoque la possibilité d’une « fiction permanente ». Néanmoins, si cette dernière existe en permanence, elle fait alors partie intégrante de notre réalité. Ces pièces se situent entre le simulacre et la simulation, tels que Jean Baudrillard l’évoquait. Chez Fabre il s’agit du simulacre de troisième ordre, réinventé, poussé jusqu’aux limites de ses capacités auto-critiques. Il est en recherche permanente d’un trouble, d’un réel qui n’existe pas. Le vrai et le faux se mélangent au point de devenir indiscernables.

Avec Attic Salt, Raphaël Fabre propose un bug, telle une faille dans le système de l’exposition, une erreur dans notre perception du réel. Il double, recrée un mur de la Fondation Brownstone. C’est au sein de cette anomalie qu’il souhaite nous amener à reconsidérer l’espace qui nous entoure, comme si tout n’était que faux-semblants. Le spectateur s’immerge dans ses propositions comme il plonge dans un roman. L’installation tente d’attirer le regardeur grâce à un ensemble d’artifices qui n’ont d’autres intentions que de l’inclure dans l’espace de la fiction. Cette nouvelle forme de narration joue avec nos sensations, sentiments et émotions et s’inspire du storytelling. Pourtant, toute interaction avec le dispositif est impossible car il ne renvoie qu’à son propre fonctionnement.